当前位置:首页 > De linstitution des enfants[法]Montaigne(1847版)
Texte établi par M. l’abbé Musart, Périsse Frères, 1847 (pp. 95-135).
DE L’INSTITUTION DES ENFANTS.
à madame Diane de Foix, comtesse de Gurson.
Je ne vis jamais père, pour bossé ou teigneux que f?t son fils, qui laissat de l’avouer ; non pourtant, s’il n’est du tout enivré de cette affection, qu’il ne s’aper?oive de sa défaillance, mais tant y a qu’il est sien : aussi moi, je vois mieux que tout autre que ce ne sont ici que rêveries d’homme qui n’a go?té des sciences que la cro?te première en son enfance, et n’en a retenu qu’un général et informe visage, un peu de chaque chose, et rien du tout, à la fran?aise. Car, en somme, je sais qu’il y a une médecine, une jurisprudence, quatre parties en la mathématique, et grossièrement ce à quoi elles visent ; et à l’aventure encore sais-je la prétention des sciences en général au service de notre vie ; mais d’y enfoncer plus avant, de m’être rongé les ongles à l’étude d’Aristote, monarque de la doctrine moderne, ou opiniatré après quelque science, je ne l’ai jamais fait ; ni n’est art de quoi je susse peindre seulement les premiers linéaments ; et n’est enfant des classes moyennes qui ne se puisse dire plus savant que moi, qui n’ai seulement pas de quoi l’examiner sur sa première le?on ; et si l’on m’y force, je suis contraint assez
ineptement d’en tirer quelque matière de propos universel, sur quoi j’examine son jugement naturel ; le?on qui leur est autant inconnue comme à moi la leur.
Je n’ai dressé commerce avec aucun livre solide, sinon Plutarque et Senèque, où je puise comme les Dana?des, remplissant et versant sans cesse. J’en attache quelque chose à ce papier ; à moi, si peu que rien. L’histoire, c’est mon gibier en matière de livre, ou la poésie, que j’aime d’une particulière inclination : car, comme disait Cléanthe, tout ainsi que la voix, contrainte dans l’étroit canal d’une trompette, sort plus aigu? et plus forte ; ainsi me semble-t—il que la sentence, pressée aux pieds nombreux de la poésie, et s’élance bien plus brusquement, et me fiert[1]d’une plus vive secousse. Quant aux facultés naturelles qui sont en moi, de quoi c’est ici l’essai, je les sens fléchir sous la charge : mes conceptions et mon jugement ne marchent qu’à tatons, chancelant, bronchant et choppant ; et quand je suis allé le plus avant que je puis, si ne me suis-je aucunement satisfait ; je vois encore du pays au-delà, mais d’une vue trouble et en nuage, que je ne puis démêler.
En entreprenant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à ma fantaisie, et n’y employant que mes propres et
naturels moyens, s’il m’advient, comme il fait souvent, de rencontrer de bonne fortune dans les bons auteurs ces mêmes lieux que j’ai entrepris de traiter, comme je viens de faire chez, Plutarque tout présentement son discours de la force de l’imagination, à me reconna?tre, au prix de ces gens-là, si faible et si chétif, si pesant et si endormi, je me fais pitié on dédain à moi-même : si me gratifie-je de ceci, que mes opinions ont cet honneur de rencontrer souvent aux leurs, et que je vois au moins de loin après, disant que voire[2]aussi, que j’ai cela, que chacun n’a pas, de conna?tre l’extrême différence d’entre eux et moi ; et laisse, ce néanmoins, courir mes inventions ainsi faibles et basses comme je les ai produites, sans en replatrer et recoudre les défauts que cette comparaison m’y a découvert.
Il faut avoir les reins bien fermes pour entreprendre de marcher front à front avec ces gens-là. Les écrivains indiscrets de notre siècle, qui, parmi leurs ouvrages de néant, vont semant des lieux entiers des anciens auteurs pour se faire honneur, font le contraire : car cette infinie dissemblance de lustres rend un visage si pale, si terni et si laid à ce qui est leur, qu’ils y perdent beaucoup plus qu’ils n’y gagnent.
C’étaient deux contraires fantaisies : le philosophe Chrysippe mêlait à ses livres, non les passages seulement, mais des ouvrages entiers d’autres auteurs, et en un la Médée d’Euripides ; et disait Apollodore que, qui en retrancherait ce qu’il y avait d’étranger, son papier demeurerait en blanc : épicure, au rebours, en trois cents volumes qu’il laissa, n’avait pas mis une seule allégation.
Il m’advint, l’autre jour, de tomber sur un tel passage : j’avais tra?né languissant après des paroles fran?aises si exsangues, si décharnées et si vides de matière et de sens, que ce n’était voirement que paroles fran?aises ; au bout d’un long et ennuyeux chemin, je vins à rencontrerune pièce haute, riche et élevée jusqu’aux nues. Si j’eusse trouvé la pente douce et la montée un peu alongée, cela e?t été excusable : c’était un précipice si droit et si coupé que, des six premières paroles, je connus que je m’envolais en l’autre monde ; de là je découvris la fondrière d’où je venais, si basse et si profonde, que je n’eus oncques puis le c?ur de m’y ravaler. Si j’étoffais l’un de mes discours de ces riches dépouilles, il éclairerait par trop la bêtise des autres. Reprendre en autrui mes propres fautes ne me semble non plus incompatible que de reprendre, comme je fais souvent, celles d’autrui en moi : il les faut accuser partout et leur
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